Du 21 au 24 mai, la Ville d’Hendaye et le Théâtre des Chimères invitent au Mai du Théâtre à se laisser porter par l’énergie et la poésie de ceux qui refusent les scénarios écrits d’avance.
Le Mai du Théâtre à Hendaye n’est pas qu’une simple invitation à consommer de la culture, une fois l’an, dans une des villes de la côte basque, comme cela peut se voir ailleurs, dans le tragique d’une époque où ce mot fatigué d’être mal utilisé, la culture, devient le paravent d’attractions populaires qui ont à craindre qu’on leur renvoie à la face leur vulgaire médiocrité.
La première raison tient du fait qu’Hendaye n’est pas une ville comme les autres : comme tous les points géographiques de jonction entre deux frontières décrétées, elle porte cette double malédiction de n’être pas le point de chute des grands voyageurs, et de forcer le regard sur les proches voisins en négligeant la conscience d’être soi-même.
Une ville de transit où les gens se croisent, essentiellement, et où il faut déployer plus d’énergie qu’ailleurs pour qu’ils se rencontrent.
Le choix aurait pu être fait de provoquer l’événement pour l’été, quand le sable peine à accueillir tous les touristes sur sa longue plage magnifique. Les retenir, quand on sait qu’ils auront la bougeote, à se demander si, de l’autre côté, l’herbe ne serait pas plus verte.
Un festival de cinéma en plein air, de musique populaire, voire de folklorismes soigneusement emballés, auraient dû faire l’affaire.
Mais il n’en a rien été.
Ici, c’est au printemps que l’événement a été pensé. Pour ceux d’ici et de l’autre côté, réunis avant le grand charivaris des routes encombrées et des coups de klaxons.
Un premier geste politique, qui s’est aggloméré à deux autres, d’importance.
C’est le théâtre qui a été choisi pour nourrir cette préoccupation de la place de la culture, ensemble, dans le coeur de la ville.
Il y a plus simple, moins risqué, surtout quand on n’a pas les moyens de faire venir les grands noms des scènes de France, ou de faire porter la manifestation par un parrain prestigieux qui, ni lui ni sa famille, ses maitresses et ses trois chiens, ne paiera plus son séjour sur place.
Car il faut l’admettre, sans insister, et sans se trouver imbécile : le théâtre est d’autant plus nécessaire qu’il est là où on ne l’attend plus.
Dans l’énergie et la foi d’une compagnie encore mal connue, et à qui rien n’est promis, réellement, en dehors de la possibilité de jouer.
Dans la multiplicité aussi de la danse, de la musique, du chant, de l’intime et du cri, invités à le rejoindre.
Dans la confiance faite à un acteur en solo de passer dans les grandes largeurs, pour quitter son atelier où se mêlent des heures innombrables de travail et autant de questionnements en rafale.
Porter une réflexion esthétique sur la nécessité de la place du théâtre dans la cité, c’est assurément un choix politique.
Ou alors on le fait une fois, et on programme ensuite du Molière pour public savant, vite, en espérant que le fil blanc ne sera pas trop visible. En refusant de voir que cette force supposée porte une tragique faiblesse, inéluctable.
Pas ici. Le Mai du Théâtre à Hendaye a 31 ans. Il a résisté aux modes comme ses digues pensent pouvoir le faire avec les vagues de l’océan proche qui frappent durement, pourtant.
Même la déferlante qui ravage tout ou presque de nos calendriers culturels n’a pas eu raison de cette nouvelle édition.
Pour son Maire, Kotte Ecenarro, il porte en lui ce qu’il en attend : « la solidarité, la convivialité et l’ouverture d’esprit ». Et à cette attente a été rajoutée, bon poids bonne mesure, sa nécessité : « Plus un monde souffre, plus le rôle de la culture est grand ».
Il aurait pu le traduire en espagnol, en basque, avec le sentiment de se faire comprendre.
Car dans ce Mai du Théâtre où quasiment tous les spectacles de rue et de salles sont gratuits, il n’a pas été question de tourner le dos aux voisins, aux tout proches.
L’appétit culturel de Donostia 2016 a ouvert des portes, qui n’ont jamais été fermées ici, de toute façon.
Des compagnies du Pays Basque sud sont hébergées depuis quelques semaines à Hendaye, et elles livreront leurs sorties de résidence à ce moment-là.
Ce n’est pas pour faire chic, mais parce que, même au bout de 31 ans, l’idée du travail en amont pour l’avenir résiste mieux à la conjoncture future que les actions du groupe Vivendi.
Il ne reste plus qu’un dernier geste politique à effectuer, pour mesurer ce que ce rendez-vous suppose comme invitation, et il appartient au spectateur.
Prendre le temps de lire attentivement les résumés des spectacles proposés, même dans l’infirmité du sens auxquels ils se contraignent. Fouiller et trouver dans l’intime les pierres de voûte qui nous soutiennent aussi, mais auxquelles nous ne prêtons pas assez attention.
Car, conscient d’être rentré dans l’effet « divers », le théâtre grince de ne pouvoir être sûr de gronder.
Jusque dans les silences de ses mimes, comme Leandre, ou dans le poids des mots de Charlotte Delbo, la survivante des camps qui a tant mesuré les siens avant d’accepter de les voir transcendés par des corps dansants de la compagnie Vendaval.
Ou dans ce Livret de famille de Magyd « Zebda » Cherfi, adapté par la Cie LES ARTS OSEURS, en pleine rue, là où les mots ne s’arrêteront pas à nos feux rouges.
L’insomnie ne devrait frapper que ceux qui ne rêvent plus. Sans peser sur ceux qui fixent l’espoir de jours meilleurs, où tous les autres seront retrouvés.
Face à soi et à côté de soi.
Il faut un Théâtre des Chimères pour penser que ce jour est toujours devant nous.
En Mai, par exemple, du côté d’Hendaye.
Tout le programme sur le site du Théâtre des Chimères
Réservations à Mendi-Zolan – Service Culturel Théâtre des Chimères
Du mardi au samedi – de 10h à 13h et de 15h à 19h
Du 21 au 24 mai inclus : billetterie ouverte 45 mn avant le spectacle dans chaque lieu.
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